Le guide des bonnes pratiques du numérique responsable


calendar_month 26/09/2022 à 15:48

Fabrique-t-on une voiture électrique de la même manière qu’une voiture à combustible fossile ? Il est évident que non pour tout le monde : il ne suffit pas de mettre de l’électricité dans le réservoir de sa voiture à moteur diesel pour qu’elle fonctionne. La transition énergétique nous demande donc de revoir la conception de nos véhicules, et plus particulièrement des moteurs. Or il en va de même dans le domaine du numérique. Cela apparaît moins clairement : les appareils fonctionnent déjà à l’électricité, et on ne sait pas encore fabriquer des appareils électroniques en bois. Pourtant, la conception des outils physiques et digitaux du numérique doit aussi prendre le tournant. Endosser cette responsabilité dans le domaine du numérique, c’est, dans les grandes lignes, ce qu’on appelle le Numérique Responsable. Cela n’intègre pas seulement des problématiques environnementales, mais aussi des problématiques liées à l’accessibilité, aux valeurs, à l’éthique, comme le mentionne par exemple la Charte du Numérique Responsable de l’Institut du Numérique Responsable

Un travail exemplaire déjà réalisé sur le numérique responsable 

Par où commencer ? Voilà la question à laquelle répond le guide des bonnes pratiques du numérique responsable pour les organisations construit par un collectif essentiellement ministériel incluant entre autres la MiNumEco, la DINUM et l’INR, ainsi que des partenaires d’autres institutions, notamment de recherche. Il est actuellement en version bêta, une consultation publique a eu lieu en vue de l’améliorer dans une démarche itérative. La cible de ce document est le service public (administration centrale et collectivités territoriales), mais on y trouve de quoi alimenter notre réflexion dans le secteur privé. Si vous souhaitez arrêter la lecture ici et aller voir par vous-même sur la page institutionnelle, c’est par ici.

Adapter et adopter les bonnes pratiques du numérique responsable dans notre organisation, est-ce possible ? 

Les missions du service public et de notre organisation privée ne sont pas les mêmes. Pourtant, elles se rejoignent en ce qu’elles s’accomplissent au sein du même écosystème : une société en transition vers un exercice conscient des responsabilités à l’égard des ressources limitées de notre planète, des fortes perturbations climatiques, de la pollution… Bref, de l’environnement. Les indicateurs actuels nous prédisent une diminution de l’énergie et des ressources disponibles pour la conception de nos solutions informatiques, quel que soit le secteur, public ou privé. Intégrer cela dès à présent dans nos offres, c’est proposer des réponses concrètes à cette exigence grandissante. 

Dans les grandes lignes, il s’agit par exemple de « prendre en compte tout le cycle de vie des équipements et services numériques » ainsi que « les aspects sociaux », « s’inscrire dans une logique de sobriété », « se méfier des effets rebond », mais aussi « hiérarchiser les bonnes pratiques ». Remarquez l’utilisation du terme de « sobriété », qui est largement sujet à débat, voire à contestation aujourd’hui : inscrit dans une dynamique globale qui se veut progressive et consciente de tous les objectifs, il n’est pas un mantra imposé de façon stricte et transcendante, mais un outil au service de cet objectif commun et d’une meilleure conception des solutions informatiques. 

Concevoir un outil numérique de façon analytique, en développant simplement chaque fonctionnalité réclamée de façon cumulative, c’est facile (bien que cela puisse déjà représenter un challenge pour certaines entreprises). En revanche, prévoir dès la conception de choisir, rationaliser, mettre en commun, rendre résilientes, et de ce fait simplifier ces mêmes fonctionnalités, c’est un travail beaucoup plus exigeant. En développement informatique la complétude est facile, mais la simplicité est difficile à obtenir et nécessite une prise en compte forte dès la conception. 

Quelques exemples 

En pratique, ce guide regroupe des propositions de façon assez simple dans des fiches, avec une évaluation de la priorité à donner et de l’effort à fournir pour chacune. Elles sont regroupées dans des grandes thématiques, telles que « Achat durable », « Services numériques » et « Salle serveur et centre de données ». 

Par exemple dans « Services numériques », il est proposé de « concevoir un service numérique compatible avec des équipements les plus anciens possibles ». Qu’en diriez-vous si nous vous proposions de conserver votre parc informatique le plus longtemps possible, et ce dès la conception de vos solutions ? Il en va de même pour les équipements informatiques des utilisateurs de vos services numériques, qui sont de plus en plus sensibles au coût du matériel et à son impact environnemental. La lutte contre l’obsolescence logicielle (c’est-à-dire le fait de devoir changer de matériel à cause des logiciels qui ne fonctionnent plus) est même un axe de lutte du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique. Pour répondre à cela, certains sont passés à des sites web statiques dont voici un exemple : les temps de chargement sont effectivement très réduits ! Et plus généralement, les performances semblent bien meilleures qu’avec un CMS tel que WordPress. Cependant, attention à l’effet de mode : mieux vaut s’assurer que cette solution correspond au besoin… D’où la nécessité de l’envisager de façon critique dès la conception. 

Dans « Salle serveur et centre de données », il est proposé de « regrouper et rationaliser les serveurs ». À la lecture de ceci, vous êtes peut-être partagés entre la perspective positive de réduire le nombre de serveurs et leur consommation d’énergie, et la complexité de la réalisation, car il est souvent plus facile de faire un serveur pour une utilisation, une utilisation pour un serveur. Cependant, la fiche rappelle que l’utilisation de machines virtuelles rend cela accessible. Nous pourrions même compléter cette fiche avec les outils de conteneurisation actuels qui rendent cette dynamique plus souple, scalable, et permettant des déploiements sans interruption de service. De nombreuses entreprises ont déjà franchi ce cap, et d’autres souscrivent au Code de conduite des data centers européens, qui est à l’origine de cette bonne pratique, afin de poursuivre leurs efforts dans ce sens. 

Ces fiches ne donnent pas une multitude de détails concernant la réalisation des propositions, mais plutôt des axes efficaces et hiérarchisés permettant de s’interroger facilement sur nos pratiques, en vue de les améliorer et de proposer des offres réellement éco-responsables

Petite astuce pour ceux qui s’intéressent au numérique responsable : ce guide recense les réglementations françaises et européennes sur le sujet, ainsi qu’un grand nombre d’instances consultables sur le sujet. 

Julien BUSSET 

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